Cet article est consacré à la cartographie des résultats électoraux du 1er tour de l’élection présidentielle 2017 par bureau de vote au sein de l’agglomération havraise.
Il s’appuie sur l’exploitation de 3 sources de données :
. les résultats du 1er tour des élections présidentielles de 2017 par bureau de vote (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/election-presidentielle-des-23-avril-et-7-mai-2017-resultats-definitifs-du-1er-tour-par-bureaux-de-vote/)
. les fonds de carte réalisés dans le carte du projet de recherche Cartelec (http://cartelec.univ-rouen.fr/?page_id=3609)
. les données carroyées de l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/4176305)
Cette analyse infra-urbaine fine scrute les résultats des 160 bureaux de votes des communes suivantes situées au coeur de l’agglomération Havraise :
Par rapport aux résultats nationaux, les communes du coeur de l’agglomération havraise sont marquées par une plus forte abstention (24,9% contre 22,2% au niveau national), une surreprésentation des suffrages exprimés pour Jean-Luc Mélenchon (28,8% contre 19,6%) et une sous-représentation importante du vote pour François Fillon (15,8% contre 20%) et plus modérée des suffrages exprimés pour Emmanuel Macron (21,2% contre 24%).
Résultats au 1er tour des élections présidentielles 2017 dans les communes du coeur de l’agglomération havraise
L’abstention est la plus faible (entre 11 et 14%) dans les bureaux de vote des quartiers pavillonnaires périphériques (plateau de la Hève, Octeville-sur-Mer, Fontaine-la-Mallet, Fontenay) tandis qu’elle atteint son maximum (entre 33% et 42%) dans les bureaux de vote des quartiers les plus modestes de l’agglomération havraise (Mare Rouge, Mont-Gaillard, Bois de Bléville, Caucriauville, Rond-Point, quartiers sud, …).
Part d’abstentions au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Les quartiers qui ont le plus voté pour Emmanuel Macron (plus de 27% des suffrages exprimés) sont globalement aisés. Il s’agit de quartiers denses situés au coeur de la ville du Havre (Centre-Ville, Sanvic, Coty, Saint-Vincent) et de lotissements pavillonnaires valorisés (Fontaine-la-Mallet, les Lombards, Saint-Martin-du-Manoir). Les scores les plus faibles (moins de 13% des suffrages exprimés) sont réalisés dans les quartiers populaires au contact de la zone industrialo-portuaire (les Neiges, Mayville, …).
Part de suffrages exprimés pour Emmanuel Macron au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Au niveau national, le vote Le Pen augmente en fonction de l’éloignement aux villes-centre. Cette logique se retrouve à l’échelle infra-urbaine de l’agglomération havraise. Les scores les plus importants sont atteints dans les quartiers populaires périphériques situés à proximité de la zone industrialo-portuaire. Les scores les plus faibles sont réalisés dans les quartiers aisés situés dans le centre de l’agglomération havraise. Ce vote est fortement structuré géographiquement avec un indice d’autocorrélation spatiale de Moran de 0.65.
Part de suffrages exprimés pour Marine Le Pen au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Les disparités de vote pour François Fillon sont extrêmes avec un minimum de 2,4% des suffrages exprimés (quartier HLM du centre de Gonfreville-l’Orcher) et un maximum de 57,2% (Nice Havrais). Une minorité des bureaux de vote de l’agglomération havraise enregistrent un score supérieur à la moyenne nationale (37 bureaux de vote sur 160) mais la part de suffrages exprimés pour François Fillon y dépasse alors souvent largement la moyenne nationale avec plus de 30% dans les bureaux de votes des quartiers les plus riches (Sainte-Adresse, Saint-Vincent, Gobelins, avenue Foch, Résidence de France). Une faible minorité d’électeurs ont voté pour Fillon (moins de 10% des suffrages exprimés) dans les nombreux bureaux de vote des quartiers populaires (quartiers sud, Harfleur, Gonfreville, quartiers HLM de Montivilliers, grands ensembles HLM de la ville Haute, Rond-Point, …).
Il est tentant de relier le fort niveau de ségrégation urbaine de l’agglomération havraise (troisième agglomération la plus ségrégée pour les niveaux de vie après Paris et Lille, d’après l’étude de France Stratégie : https://www.strategie.gouv.fr/actualites/une-datavisualisation-inedite-mieux-comprendre-segregation-residentielle) aux fortes disparités de vote pour François Fillon (2ème coefficient de variation le plus élevé après l’agglomération de Lille et 8ème écart-type le plus élevé parmi les 89 agglomérations comptant au moins 50 bureaux de vote avec au moins 100 suffrages exprimés).
Part de suffrages exprimés pour François Filllon au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Jean-Luc Mélenchon, candidat ayant recueilli le plus de voix dans l’agglomération havraise, a réalisé des scores très élevés dans la majorité des bureaux de vote, en particulier dans les grands ensembles havrais et dans la ville communiste de Gonfreville-L’Orcher où il atteint son score maximal (56%) dans les HLM du centre-ville. La minorité de bureaux de vote ayant moins voté pour LFI qu’au niveau national est exclusivement composée des quartiers les plus aisés de l’agglomération havraise (Sainte-Adresse, Gobelins, avenue Foch, Halles, Octeville-sur-Mer, Fontaine-la-Mallet, Lombards, Saint-Martin-du-Manoir).
Part de suffrages exprimés pour Jean-Luc Mélenchon au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Part de suffrages exprimés pour Benoît Hamon au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Avec un score nettement plus faible que celui des 4 candidats précédemment étudiés, la géographie du vote Hamon est plus compliquée à décrypter. Le candidat fait ses meilleurs scores dans le centre-ville, tout particulièrement là où prédomine le parc locatif privé (Danton, Rond-Point, Porte Océane, Saint-Vincent). Il réalise ses scores les plus faibles dans les secteurs les plus périphériques de l’agglomération dont les profils sont hétérogènes : partie sud-est située face à la zone industrielle, partie nord-ouest composée de quartiers pavillonnaires résidentiels (Octeville-sur-Mer, Fontaine-la-Mallet).
Sources : Ministère de l’Intérieur ; fonds de carte du projet Cartelec
Part de suffrages exprimés pour Nicolas Dupont-Aignan au 1er tour des élections présidentielles de 2017
Ce sont les quartiers pavillonnaires (Octeville-sur-Mer, Dollemard, Epouville, Sanvic, Acacias, Sainte-Cécile, Aplemont, Fleurville, Saint-Martin-du-Manoir, Gainneville) qui ont le plus voté pour Nicolas Dupont-Aignan. Les scores les plus faibles concernent les quartiers les plus aisés et les plus modestes.
Le premier axe (57% de l’inertie totale) d’une analyse en composantes principales (ACP) sur les résultats des 6 principaux candidats oppose les bureaux de vote qui ont voté Macron et Fillon à ceux qui ont voté pour Le Pen et Mélenchon. L’axe le plus structurant oppose donc le vote des quartiers aisés à celui des quartiers populaires.
Le second axe (20% de l’inertie totale) oppose les candidats de droite aux candidats de gauche.
Résultats de l’ACP des résultats des 6 principaux candidats au 1er tour de l’élection présidentielle de 2017
Axe 1 de l’ACP sur les résultats du 1er tour de l’élection présidentielle
Axe 2 de l’ACP sur les résultats du 1er tour de l’élection présidentielle
Une classification ascendante hiérarchique en 9 classes (77% de l’inertie totale) met en évidence :
. Un vote des beaux quartiers (Fillon/Macron) pour la classe verte (quartiers les plus riches : Gobelins, Nice Havrais, Résidence de France où Fillon domine) et la classe rose
. Un vote « bobo » (Hamon/Macron) pour la classe bleue foncée qui concerne le centre-ville des jeunes ménages locataires du parc privé (Danton, Saint-François), la partie sud de Sanvic et le centre-ville de Montivilliers
. Un vote des quartiers pavillonnaires (Dupont-Aignan surrepresenté) pour les classes marron (quartiers les plus aisés où Macron et Fillon sont également surreprésentés) et rouge (quartiers moins aisés où Le Pen est également surreprésentée)
. Un vote des grands ensembles HLM (Mélenchon et dans une moindre mesure Hamon et Le Pen) pour la classe bleue grise
. Un vote populaire périphérique (Mélenchon/Le Pen) pour les quartiers des classes vertes et bleues claires (classe la plus extrême incluant les quartiers des Neiges, Mayville et les HLM du centre-ville de Gonfreville-l’Orcher) très majoritairement situés au sud-est, face à la zone industrialo-portuaire
. Une classe jaune représentative du profil havrais sans surreprésentation d’un candidat en particulier, composée de quartiers populaires de la ville du Havre (Sainte-Marie, Graville, Aplemont, quartier de l’Eure, le Perrey, Bléville)
Sur le modèle du travail réalisé dans le cadre du projet de recherche Cartelec, j’ai souhaité croiser les résultats électoraux avec les caractéristiques socio-démographiques des bureaux de vote. Pour ce faire j’ai apparié les données carroyées de l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/4176305) à chacun des bureaux de vote. Comme le montre l’exemple ci-dessous centré sur Sanvic, un carreau est rattaché à un bureau de vote dès lors que son centroïde est à l’intérieur de celui-ci. C’est une méthode très imparfaite puisque les carreaux débordent souvent sur plusieurs bureaux de vote mais cela permet d’estimer grossièrement le profil des habitants appartenant à un bureau de vote donné.
La matrice de corrélations ci-dessous met en évidence d’importantes relations entre le profil socio-démographique des quartiers et les comportements électoraux de leurs habitants.
Les votes Fillon et Macron sont très fortement corrélés au niveau de vie moyen des habitants (respectivement 0,83 et 0,75) ainsi qu’à la part des 65-79 ans (respectivement 0,62 et 0,52)
L’abstention et le vote Mélenchon sont fortement corrélés à la part de ménages pauvres et de logements sociaux et, dans une moindre mesure à la part de jeunes de moins de 24 ans. Le vote Le Pen est corrélé aux mêmes variables mais dans une bien moindre mesure pour le taux de pauvreté.
Comme évoqué précédemment, le vote Dupont-Aignan est corrélé à la part de ménages résidant en maison (0,47) et à la part des 40-64 ans.
Le vote Hamon présente de plus faibles corrélations avec les variables socio-démographiques. Il l’est avec la part des ménages résidant dans le parc locatif privé (0,46) et des 25-39 ans (0,37).
Sources : Ministère de l’Intérieur ; fonds de carte du projet Cartelec ; données carroyées de l’INSEE, 2015.